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Raymond Queneau - Blog Posts

Le vingt-cinq septembre douze cent soixante-quatre, au petit jour, le duc d’Auge se pointa sur le sommet du donjon de son château pour y considérer, un tantinet soit peu, la situation historique. Elle était plutôt floue. Des restes du passé traînaient encore çà et là, en vrac. Sur les bords du Ru voisin, campaient deux Huns; non loin d’eux un Gaulois, Eduen peut-être, trempait audacieusement ses pieds dans l’eau courante et fraîche. Sur l’horizon se dessinaient les silhouettes molles de Romains fatigués, de Sarrasins de Corinthe, de Francs anciens, d’Alains seuls. Quelques Normands buvaient du calva. Le duc d’Auge soupira, mais n’en continua pas moins d’examiner attentivement ces phénomènes usés. Les Huns préparaient des stèques tartares, le Gaulois fumait une gitane, les Romains dessinaient des grecques, les Sarrasins fauchaient de l’avoine, les Francs cherchaient des sols et les Alains regardaient cinq Ossètes. Les Normands buvaient du calva. _ Tant d’histoire, dit le duc d’Auge au duc d’Auge, tant d’histoire pour quelques calembours, pour quelques anachronismes. Je trouve cela misérable. On n’en sortira donc jamais?

Raymond Queneau, Les fleurs bleues, 1965.


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Debout, Gabriel médita puis prononça ces mots: _ L'être ou le néant, voilà le problème. Monter, descendre, aller, venir, tant fait l'homme qu'à la fin il disparaît. Un taxi l'emmène, un métro l'emporte, la tour n'y prend garde, ni le Panthéon. Paris n'est qu'un songe, Gabriel n'est qu'un rêve (charmant), Zazie le songe d'un rêve (ou d'un cauchemar) et toute cette histoire le songe d'un songe, le rêve d'un rêve, à peine plus qu'un délire tapé à la machine par un romancier idiot (oh! Pardon). Là-bas, plus loin – un peu plus loin – que la place de la République, les tombes s'entassent de Parisiens qui furent, qui montèrent, qui descendirent des escaliers, allèrent et vinrent dans les rues et tant firent qu'à la fin ils disparurent. (...) Mais que vois-je par-dessus les citrons empoilés des bonnes gens qui m’entourent ?

Raymond Queneau, Zazie dans le métro, 1959. 


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