There is nothing new under the sun, but there are new suns.”—Octavia E. Butler
#Repost @mdtsthlm with @repostapp. ・・・ Photo from last weekend #marlenemonteirofreitas captured by @bergbohm #choreography #dance #dancer #stockholm #mdtsthlm
Video short from AJ+ interviews Nairobi artist Cyrus Kabiru who creates wearable art from electronic waste:
Meet Cyrus Kabiru. The Nairobi, Kenya artist is turning e-waste into wearables and art.
Cyrus also has a Tumblr blog [cyruskabiruart] which you can find here
The world had to be “disenchanted” in order to be dominated.
Silvia Federici, Caliban and the Witch (via goneril-and-regan)
Inspiring evening @V_and_A Designer Grace Wales Bonner CSM Graduate questioning what is authentic black masculinity #FashioninMotion
Nina Simone - Stars (Montreux Festival 1976)
"I'm trying to tell my story ... we always have a story."
derica:
A lire : BLACK INVISIBILITY AND RACISM IN PUNK ROCK BY TASHA FIERCE http://www.hipmama.com/features/black-invisibility-and-racism-punk-rock-tasha-fierce
Making Africa - A continent of Contemporary Design Architecture of Independence - African Modernism Vitra Design Museum & Vitra Design Museum Gallery, Bâle - Suisse / Février - Septembre 2015
1962-1970, Abidjan
© Iwan Baan, Hôtel Ivoire, Abidjan (Côte d’Ivoire), Heinz Fenchel et Thomas Leiterdorf, 1962-1970. (Vitra Design Museum)
2081, Lagos
© Olalekan Jeyifous (vigilism.com) et Wale Oyejide (ikirejones.com),“Idumota Market, Lagos 2081”.
Depuis quelques années, l’Europe redécouvre une Afrique porteuse d’une liberté et d’une capacité d’innovation qu’elle semble lui envier. Si le continent séduit c’est parce qu’il montre, du Sénégal au Kenya, du Niger à l’Afrique du Sud, le visage d’une hypermodernité faite d’une culture urbaine, cosmopolite et technophile. Cette « actualité » nous renvoie à une autre inscription historique de l’Afrique comme dernière frontière de la modernité aux yeux du monde occidental : « les Indépendances ».
1957, 1958, 1960, années phare du continent africain. De plus en plus nombreux, les pays colonisés accèdent à l’Indépendance, faisant de l’Afrique le dernier terrain en date du laboratoire de la contemporanéité. Cette dynamique va en partie se concrétiser par l’émergence d’une architecture expérimentale voire futuriste, espace concret de la nouvelle puissance d’action des jeunes nations continentales.
Mais projets utopiques et réalisations concrètes vont progressivement tomber dans l’oubli et en 2010 lorsqu’il s’agit de fêter les cinquantenaires des indépendances africaines, de nombreuses voix s’élèvent pour regretter qu’il n’y ait rien à célébrer.[1]
2015, le regard médiatique a de nouveau changé. En effet, depuis quelques années, l’Afrique est le continent des pourcentages de croissance insolents eu égard aux maigres performances des pays occidentaux et européens en particulier. En 2050, un quart de la population mondiale vivra en Afrique dont la moitié dans les villes et en 2100, le continent abritera 4,2 milliards d’êtres humains.[2] C’est la région la plus dynamique au monde en matière de croissance et d’impact de la téléphonie mobile.[3] Limités aux usages des technologies il y a peu de temps encore, les africains rejoignent les acteurs de la révolution numérique. C’est vertigineux !
Mais plus fondamentalement encore, si l’Afrique est importante c’est “ parce qu’un milliard de personnes vivent en Afrique et se positionnent chaque jour dans des structures de pensée imaginatives et conceptuelles extrêmement complexes, de façon à promouvoir les idées, la vie et les communautés, mais aussi les théories des objets, des consommateurs et leurs articulations ”, souligne Okwui Enwezor, le directeur artistique de la prochaine Biennale Internationale de Venise. Et il rappelle judicieusement, “ avant d’être à la mode, l’Afrique existe déjà en tant que telle ”.
© Iwan Baan, "Chai House, (Architects unknown)," Nairobi, ca. 1970. (Vitra Design Museum)
Il n’est donc pas étonnant que ces deux périodes soient mises en parallèle dans la double exposition du Vitra Design Museum de Bâle qui tient actuellement sur le prestigieux campus de la société Vitra en Suisse.
La première, Architecture of Independence - African Modernism qui se tient à la Vitra Design Museum Gallery est relativement modeste dans sa présentation mais majeure de part la qualité du travail de recherche et de documentation. L’exposition documente les grands chantiers post-indépendances qui vont faire du continent un acteur remarquable de l’histoire récente de l’architecture. Une cinquantaine de bâtiments sont passés en revue, parmi lesquels le prestigieux hôtel Ivoire d’Abidjan (1963-1970) qui marquera un moment des échanges avec Israel —dont la récente accession à l’Indépendance (1948) en fait un compagnon naturel et un partenaire dans le processus d’émancipation. Les pavillons de la Foire Internationale de Dakar (FIDAK) (1974) conçue par les architectes français Lamoureux, Marin et Bonamy. L’Assemblée Nationale de Zambie à Lusaka (1966), ou encore l’incroyable discothèque de Nairobi, la Chai House (années 1960), aux allures d’OVNI qui a malheureusement été détruite en 2014. L’exposition est basée sur les recherches de Manuel Herz, architecte et auteur. Elle présente de précieux documents d’archives, plans, cartes postales, coupures de presse, reportages filmés, textes. Un ouvrage riche en iconographie African Modernism, accompagne l’événement.
© Iwan Baan, La Pyramide, Abidjan (Côte d’Ivoire), Rinaldo Olivieri, 1973. (Vitra Design Museum)
La seconde exposition est audacieuse, autant dans le positionnement que dans le format de présentation des œuvres.
En effet « Making Africa. A continent of Contemporary design », a pour ambition de « renouveler le regard sur le design contemporain en Afrique » et entend mettre en évidence l’importance et la pertinence des réponses apportées au quotidien par les africains pour faire face aux conditions de vie locales si souvent chaotiques.
Comme le souligne les organisateurs, loin d’être cantonnée à des productions artisanales pour attentes exotiques, « l’Afrique se fait une terre d’expérimentation des nouvelles approches et solutions qui seront employées dans le monde entier : le design du XXIe siècle et ses effets futurs sont ici bien visibles ».
© Vigilism, Cardboard Cityscape, 2014 © Olalekan Jeyifous
Ici, les artistes, designers, chercheurs, ne se revendiquent ni magiciens, ni gourous, leurs productions n’entendent pas s’inscrire dans une démarche monumentale. L’heure est productions tangibles, aux expériences collaboratives, aux utopies réalisées dans un environnement immédiat.
Ils interrogent la pertinence de notions économiques telles que l’informel, politiques et sociales telles que le traitement de l’homosexualité ou la place de l’enseignement, ou encore sociétale comme le rôle des médias dans la constructions des identités. Films, productions vidéo, objets futuristes, jeux vidéo, mode, photographies, les frontières entre les disciplines sont volontairement balayées.
Dans ce monde à venir, marqué par d’intenses bouleversements économiques, technologiques, politiques et esthétiques, l’Afrique à de nouveau quelque chose à apporter au monde. Loin des ambitions monumentales des années 1960, les artistes du XXIe suggèrent que le futur c’est aujourd’hui et qu’il est cyberpunk!
Oulimata Gueye
Justin Plunkett, Con.Struct, 2013 © Justin Plunkett
Architecture of Independence. African Modernism : 20.02 - 31.05.2015
Making Africa. A continent of Contemporary design : 14.03 - 13.09.2015
Maker Library Network - 12.06 - 30.08.2015
L’exposition est divisée en quatre parties : le Prologue qui entend poser les éléments du débat et questionner le régime de représentation de l’Afrique aujourd’hui. I and We : la création est le fruit de recherches, de réflexion partagées, de réappropriation et d’expression de ces prises de position. Space and Object : dans une environnement majoritairement urbain comment penser l’espace, les technologies et les objets qui vont avec? Origin and Futur : le continent se tourne résolument vers le futur et réinterprète son futur antérieur.
10 noms à retenir :
XP & | Développer Design Ltd Tahir Carl Karmalli, Dennis Muraguri, Tonney Mugo Pierre-Christophe Gam Ynka Llori Phetogo Tshepo Mahasha Bull Doff Fabrice Monteiro Vigilism Kai Krause Saki Mafundikwa Selly Raby Kane
Expand Design Ltd, Splice, 2012 © Ifeanyi Oganwu
Notes :
[1] « Nous voici donc en 2010, cinquante ans après la décolonisation. Y a-t-il vraiment quoi que ce soit à commémorer ou faut-il au contraire tout reprendre ? Restauration autoritaire par-ci, multipartisme administratif par là ; ailleurs, maigres avancées au demeurant réversibles ; et, à peu près partout, niveaux très élevés de violence sociale, voire situations d’enkystement, de conflit larvé ou de guerre ouverte, sur fond d’une économie d’extraction qui, dans le droit fil de la logique mercantiliste coloniale, continue de faire la part belle à la prédation. Voilà, à quelques exceptions près, le paysage d’ensemble. » Achille Mbembe;http://www.courrierinternational.com/article/2010/04/01/aux-africains-de-se-battre
[2] Un quart de la population mondiale vivra en Afrique d'ici 2050, a annoncé mardi 12 août l'Unicef, alors que les taux de natalité continuent d'y augmenter rapidement. « Sur la base des tendances actuelles, d'ici 35 ans, 25 personnes sur 100 seront des Africains », selon un rapport du Fonds des Nations unies pour l'enfance présenté à Johannesburg. A cette date, 40 % des enfants de moins de cinq ans dans le monde vivront sur le continent. Le Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique et première puissance économique du continent, représentera à lui seul 10 % des naissances dans le monde d'ici 2050. La population africaine, qui compte actuellement 1,2 milliard d'habitants, doublera d'ici le milieu du siècle et atteindra 4,2 milliards d'ici 2100, selon l'Unicef. Cette croissance démographique entraînera une surpopulation encore plus forte, et d'ici la fin des années 2030 la plupart des Africains vivront dans des villes. http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/08/12/en-2050-un-quart-de-la-population-mondiale-sera-africaine_4470663_3244.html
[3] http://www.agenceecofin.com/mobile/1311-15039-l-afrique-subsaharienne-la-region-la-plus-dynamique-du-monde-en-telephonie-mobile
How do you know I’m real? I’m not real; I’m just like you. You don’t exist in this society; if you did, your people wouldn’t be seeking equal rights. You’re not real; if you were, you’d have some status among the nations of the world. So we’re both myths. I do not come to you as the reality, I come to you as the myth because that’s what black people are, myths… I’m actually a present sent to you by your ancestors.
Sun Ra, Space is the Place (1974) (via lordsofsoundandlesserthings)
The Snake dress Iris Van Herpen, Voltage, 2013, japanese microfiber polyester and laser cut mat polyester-film, credits: M. Zoeter x Iris van Herpen
A re-working of the eponymous T.Rex glam rock anthem into an isiXhosa protest song. The track was rearranged in collaboration with composer and choir leader Bongani Magatyana, and is here presented in speaker cabinets visually quoting the Intonarumori noise-generating machines of the...
Dancers Celebrating the End of Harvest || Ivory Coast || West Africa || 2005 || © Olivier Martel
Cristina De Middel photojournaliste de formation, a choisi il y a quelques années de quitter le domaine strictement journalistique pour raconter des histoires avec ses photos et s'applique à brouiller les pistes entre réel, fantastique et fantaisiste. En 2012, la série "Afronauts" —interprétation personnelle du projet du zambien Edward Festus Makuka Nkoloso d'envoyer une navette spatiale sur la lune avant les Américains et les Russes—, lui confère une rapide notoriété. En 2013, invitée par le Lagos Photo Festival, elle s'appuie sur le célèbre roman du Nigérian Amos Tutuola, "Ma vie dans la brousse des fantômes" pour réaliser une série de portraits des habitants de Makoko, un quartier pauvre à la périphérie de Lagos.
De passage à Paris, pour le salon Paris Photo, Cristina De Middel nous présente sa démarche dans laquelle science-fiction et Fantasy tentent de déplacer le champs des représentations de l'Afrique.
Voir les photos de "This is what hatred did" sur le site du Lagos Photo Festival
Oulimata Gueye
Le TGP, samedi 29 novembre 2014
Douloureuse confrontation vendredi soir devant le TGP lors des représentations de la pièce de Brett Bailey, Exhibit B. Les manifestants qui s’opposent à la tenue des représentations sont majoritairement jeunes et noirs, bien sur. A partir de 18.30 ils sont sans ménagement repoussés sur le trottoir opposé au théâtre par les CRS (qui pourtant ont eu vraisemblablement l’instruction de rester « soft »). Mais il n’empêche, cette opération reste violente : les CRS sont nombreux, les manifestants constamment filmés, ce qui rajoute à l’intimidation manifestement organisée. De l’autre côté du trottoir, les personnes qui ont réservé, peuvent petit à petit entrer. Je prétexte un email d'inscription au débat (qui a été annulé entre temps) pour entrer. A l’intérieur, le personnel et les spectateurs qui sont là, sont avenants, courtois, souriants. Aimables et bien élevés, en fait. Le dialogue est rompu, chaque camp est retranché derrière son bon droit. Il se produit de fait, une opposition radicale entre « eux » et « nous ». Il y a dehors de jeunes manifestants, noirs, qui sont parqués par la police pour permettre que se joue une pièce qui entend précisément dénoncer le sort des « noirs parqués » par une institutionnalisation de l’esclavage et du racisme! Les manifestants dénoncent une mise en scène qui ravive l'humiliation et occulte totalement les résistances des noirs. Mais ils dénoncent également la légitimité du « monde de la culture » à parler en leur nom car ils ne se retrouvent pas socialement dans ce monde là. Il y a une confrontation sociale qui se cristallise sur une question raciale. Un « monde de la culture » qui a oublié qu’il s’est si souvent par le passé, réclamé d’être du côté de la contestation à l’ordre établi. Et les intellectuels, les universitaires, les politiques, les hommes et femmes des médias qui ont fait de la dénonciation du racisme leur fond de commerce médiatique, brillent par leur absence, laissant potentiellement le terrain aux défenseurs de positions extrémistes malheureusement. Qu’en est-il de la pièce en elle-même? Brett Bailey reconstitue des « tableaux » avec des cartels qui de fait «figent» la représentation, la tétanise. Les acteurs immobilisés sont réduits au rang de « matériaux » du tableau, privés de leur capacité d’agir et d’interagir avec le public. Un public qui est « au spectacle » ! Le metteur en scène se place en surplomb. Et bien si ça ne marche pas au moins pour certains, il faut accepter que ces derniers la dénoncent! Et les médiateurs gagneraient à imaginer des espaces d'échanges même si ils sont difficiles à mettre en place.
Oulimata Gueye
A lire : - l'article limpide de Christine Eyene Exhibit B : de quel racisme parle-t-on? - l'article très bien argumenté de Yvette Greslé "twenty pound spectacle: brett bailey (exhibit b)" - l'article d'Eric Fassin qui revient sur la première critique qu'il avait fait du spectacle et le sens de la protestation: "Exhibit B: représentation du racisme et sous-représentation des minorités raciales"
whatiftheworld gallery
1:54 (1 continent : 54 pays) la foire d’art africain contemporain qui s’est tenue à Londres du 15 au 19 octobre, vient tout juste de fermer ses portes. Elle a regroupé 27 galeries triées sur le volet et plus d’une centaine d’artistes. Lancée en 2013 par Touria El Glaoui, cette plateforme a pour ambition d’accompagner l’entrée des artistes africains sur le marché de l’art international.
Mais pas seulement. A part égale, s’est tenue une série de rencontres, débats, projections, conférences, conçue par la commissaire Koyo Kouoh avec pour objectif de mettre en perspective la production artistique africaine et ses ramifications car « l’Afrique ne se limite pas à sa géographie, c’est un état d’esprit » précise la commissaire.
Cet événement est un immense succès au moment même ou l'on aurait pu penser la notion d'art africain contemporain éculée.
Il est dû à « l’énergie et au professionnalisme de l’équipe qui a une connaissance fine et intelligente du travail des artistes, contrairement à certains organisateurs de foires internationales. C’est une équipe jeune, dynamique qui a su créer un climat de partage et de solidarité, on s’échange les informations, tout le monde a envie que ça marche », confie un galeriste.
Pour Marcia Kure, artiste nigériane vivant à New York, « les artistes qui y participent ont le sentiment d’avoir l’occasion d’écrire leur « propre » histoire de l’intérieur, de se rencontrer et de se parler ».
Enfin, l’événement n’aurait surement pas eu cette ampleur sans d’une part la participation de mécènes au premier rang desquels on compte le célèbre jeune collectionneur angolais Sindika Dokolo, et d’autre part, l’écho médiatique et le succès public (collectionneurs, institutions, étudiants et grand public très présents) dont à fait l’objet 1:54.
Ibrahim Mahama
Sammy Baloji
Fayçal Baghriche
Londres, capitale de l’art africain contemporain ?
Mais le plus surprenant a été de constater l’incroyable effervescence autour de l’art africain contemporain à l’échelle de la ville entière. De la Tate Modern aux espaces alternatifs, en passant par les centres d’art et les galeries prestigieuses, pas moins d’une vingtaine d’expositions, rencontres, conférences étaient programmées dans divers lieux de Londres, mettant ainsi en lumière les affinités multiculturelles de la ville, produit d'une longue histoire spécifique.
Pour ne remonter qu’aux débuts du 20e siècle avec George Padmore et CLR James puis Stuart Hall, les intellectuels afro-caraïbeens ont nourri à partir de Londres une réflexion et une lutte contre les dominations ouvrant la voie des débats contemporains sur la culture, les médias, les identités, la post-colonialité et la mondialisation. Si cela n’a pas fondamentalement changé les choses, « les consciences ont gagné en ouverture » comme le dit Stuart Hall.
L’existence d’une « culture diasporique » pour reprendre les mots de Stuart Hall qui a su élire ses représentants dans des domaines aussi divers que la production intellectuelle, la musique, les arts et le cinéma ou encore la mise en spectacle de moments de rencontre populaires comme le carnaval de NottingHill, a permis l’émergence de lieux de réflexions et production artistiques, d’artistes et de médiateurs culturels présents aujourd’hui dans les grandes institutions.
Autant d’éléments qui ont peine à s'incarner encore aujourd’hui en France. Et si le français résonnait dans les couloirs de 1:54, il faut noter qu'un tel événement ne pourrait avoir lieu à Paris pour le moment! Ou eput-être au contraire qu'il suscitera des initiaves?
Oulimata Gueye
L'exposition Black Chronicles II, à la fondation Autograph
Wangechi Mutu à la Victoria Miro Gallery
Quelques expositions dans la ville : Kerry James Marshall: Look See, David Zwirner gallery, jusqu'au 22/11/14 — Rotimi Fani-Kayode, Tiwani Contemporary gallery, jusqu'au 1/11/14 — Glenn Ligon: Call and Response, Camden Arts Centre jusqu'au 11/01/15 —Nike Davies Okundaye: A Retrospective, Gallery of African Art, jusqu'au 22/11/14 — Emeka Ogboh,Tiwani Contemporary gallery, à partir du 13/11/14.
La précarité est la condition que plusieurs nouveaux mouvements sociaux combattent. De tels mouvements ne tentent pas de dépasser l’interdépendance ni même la vulnérabilité quand ils combattent la précarité; ils tentent plutôt de produire les conditions dans lesquelles la vulnérabilité et l’interdépendance deviendront vivables. Il s’agit d’une politique dans laquelle l’action performative prend des formes incarnées et plurielles en attirant l’attention critique sur les conditions de survie corporelles et du bien-être dans le cadre d’une démocratie radicale. Si je dois vivre une vie bonne, ce sera une vie bonne vécue avec les autres, une vie qui ne serait pas une vie sans ces autres. Je ne perdrai pas ce moi que je suis ; qui que je sois, mon moi sera transformé par mes relations avec les autres, puisque ma dépendance à l’égard de l’autre, est l’essence même de cette dépendance sont nécessaires pour vivre et vivre bien. Notre exposition commune à la précarité constitue le terrain partagé d’une égalité potentielle et nos obligations réciproques de produire ensemble des conditions de vie vivables. En reconnaissant le besoin que nous avons les uns des autres, nous reconnaissons tout aussi bien les principes de base qui informent les conditions sociales, démocratiques de ce que nous pourrions continuer à appeler la "vie bonne". Ce sont les conditions critiques de la vie démocratique, au sens où elles appartiennent bien à la crise en cours mais aussi au sens où elles appartiennent à une forme de pensée et d’action qui répond aux urgences de notre temps.
Judith Butler, Qu'est-ce qu'une vie bonne?, Manuels Payot, 2014.
La réalisatrice ghanéenne Frances Bodomo, revient sur le pari fou d'Edward Nkoloso d'envoyer une jeune femme de 17 ans dans l'espace. Afronauts a été présenté en 2014 au Sundance Film Festival.
1962, sur fond de luttes pour l'Indépendance en Rhodésie du Nord, un homme, le professeur Edward Festus Makuka Nkoloso trouve un écho médiatique à son rêve fou de participer à la course à l'espace qui oppose les États-Unis à l'Union soviétique. Pour se faire il constitue une équipe qu'il entraine et c'est une jeune femme de 17 ans qui sera envoyée sur la lune. Le professeur n'obtiendra jamais les crédits demandés et la mission sera dissoute après que la je femme tombe enceinte. Entre utopie et dérision cette folle aventure dit surement quelques chose de l'histoire de l'Afrique qui entre, au tournant des années 1960, dans le tourbillon des Indépendances.
Et pour poursuivre ce reportage de la CCTV : http://english.cntv.cn/program/facesofafrica/20130909/100179.shtml
Carte Ushahidi © : Jon Gosier
(Article initialement paru le 2 octobre 2012 dans Gaite Live, le magazine de la Gaité lyrique).
En médiatisant les effets dévastateurs de l’utilisation de matériaux rares dans la fabrication des appareils électroniques, artistes et hacktivistes mettent l’Afrique au centre du débat que soulève la relation entre technologies et environnement. Mais en combattant la face sombre de la révolution numérique, gare à ne pas nourrir le fantasme d’une Afrique au cœur des ténèbres.
En mai dernier, les Anonymous attaquaient bruyamment les sites de plusieurs multinationales afin de dénoncer l’implication des fabricants de téléphones mobiles et des géants de l’industrie chimique tels que Dell, Panasonic, Sony, LG, Nokia, Samsung ou le chimiste allemand Bayer dans le « trafic du coltan » qui sévit depuis plusieurs décennies à l’Est du Congo. Réagissant à l’alerte lancée par le ministre des Mines de la province du Nord Kivu suite à un regain de violence entre les différentes forces qui s’opposent pour le contrôle des zones d’extraction des minerais, leur action baptisée « Opération Coltan » devait mettre sur le devant de la scène la relation qui lie l’Afrique aux nouvelles technologies à travers le couple infernal minerais et conflits.
Si l’Afrique reste la zone la moins équipée de la planète, elle est paradoxalement au cœur de la révolution numérique car elle possède les précieux minéraux qui entrent dans la fabrication des téléphones, ordinateurs portables, consoles de jeux et dans la majorité des produits de l’industrie électronique. Les principaux minerais concernés sont : la cassitérite (minerai d’étain), le coltan (pour colombo-tantalite, un minéral mixte de tantale et niobium et qui permet d’obtenir le fameux tantale), la wolframite (minerai de tungstène) et l’or. L’étain sert à fabriquer des soudures pour les circuits imprimés électroniques ; le tantale, des condensateurs - minuscules pièces servant à stocker l’électricité ; le tungstène fournit la fonction de vibration des téléphones portables ; et l’or est employé comme revêtement des fils électriques. L’augmentation spectaculaire des quantités fabriquées conjuguée à la miniaturisation des appareils électroniques a entrainé l’explosion de la demande, provoquant au niveau mondial une lutte pour l’approvisionnement. Ce phénomène, combiné aux luttes pour la rente au niveau national, nourrit les luttes armées qui sévissent depuis la fin des années 1990 dans des zones au sous-sol particulièrement bien doté comme celui de la République Démocratique du Congo (RDC). Ce pays dispose d’énormes ressources naturelles particulièrement convoitées par l’industrie de l’électronique. Par exemple, plus des deux tiers des gisements mondiaux de coltan sont concentrés dans les provinces du Nord et Sud Kivu et du Maniema, à l’est du pays, près de la frontière avec le Rwanda. Sur son site Appfrica, Jonathan Gosier à procédé au recoupement des informations sur le suivi des crises cartographiées par Ushahidi et des zones où le coltan est exploité, mettant en évidence le chevauchement des deux cartes. (1) Dans le graphique, les zones rouges représentent les signalement de violences sur le site Ushahidi tandis que les zones bleues illustrent les zones d'exploitation du coltan. « L’exploitation du coltan a causé la destruction de l'écosystème congolais ainsi que des gorilles qui y vivaient. Plus de 10 000 agriculteurs ont été contraints de devenir des mineurs soumis à des conditions de travail exténuantes et à la violence des gangs constitués de rebelles qui font de la contrebande des minéraux. [...] Jusqu’à présent, les perdants sont la population de ce pays, les gagnants sont les multinationales. » Anonymous - Extrait du communiqué de presse du 03/05/2012 (traduction)
Sous la bannière d’“Operation Green Rights” rassemblant les Anonymous sensibles à la cause écologique, une série d’appels a donc été lancée à partir du 3 mai afin de « faire tomber » les sites des « Seigneurs du Coltan », ces multinationales accusées de s’approvisionner dans la région sans tenir compte des dégâts causés sur les hommes et la nature. Se succéderont ainsi du 10 au 12 mai les attaques des sites commerciaux comme celui de Sony ou Bayer.
Comme d’habitude, les Anonymous ont le talent de faire s’agiter la blogosphère et de mobiliser les médias. Mais la lutte contre l’extraction des minerais servant à l’industrie électronique par les utilisateurs eux-mêmes est enclenchée depuis des années. Des documentaires ont déjà été réalisés afin de dénoncer les filières d’extraction et leur liens avec les conflits meurtriers en RDC. Citons Killer Coltan réalisé par un journaliste congolais, Mvemba Dizolele, en 2006, Blood Coltan, un documentaire en français de Patrick Forestier sorti en 2007 ou encore Blood in the mobile réalisé par le danois Frank Piasecki Poulsen et diffusé en 2010. Motherboard TV - la branche vidéo du magazine Vice, a aussi produit un web documentaire.
Blood in the Mobile Official Trailer
Les artistes également se sont emparés du sujet. Steve McQueen a produit en 2007 un film en 35 mm, Gravesend. Tantalum Memorial (2008) est une installation conçues par les artistes Graham Harwood, Richard Wright et Matsuko Yokokoji qui fonctionne en lien avec la communauté congolaise de Londres. Ground/Overground/Underground (2009) est aussi une œuvre collaborative conçue par le collectif franco-congolais Mowoso.
En 2009, Jaromil, artiste multimédia et activiste provoque une rencontre / conférence sur le sujet lors du festival berlinois Transmediale et appelle à éteindre symboliquement les équipements électroniques pendant 24 heures partout dans le monde. http://www.transmediale.de/jaromil-presents-coltan-and-blood
La vidéo de “Tantalum Memorial”, 2008. Harwood, Wright et Yokokoji : http://www.transmediale.de/en/node/3076/
Il est indéniable que ces actions de sensibilisation du public/consommateur occidental exercent une certaine pression sur les grands groupes qui promettent d’être plus exigeants sur les filières d’approvisionnement. En août 2010 le congrès américain a adopté une disposition, dans la loi Dodd Frank, qui oblige les entreprises américaines à publier la liste de leurs fournisseurs de minerais pour les produits vendus aux Etats-Unis. Mais actuellement aucune loi n’interdit l’utilisation de ces « minerais du conflit » dans les appareils électroniques que ce soit dans l’Union Européenne ou aux Etats-Unis. Il n’existe aucun téléphone portable qui soit garanti sans « minerais du conflit ». Toutes ces initiatives laissent donc un goût amer et démontrent l’incapacité actuelle des utilisateurs à changer les choses. Elles pourraient aussi avoir l’effet pervers de continuer à assimiler l’Afrique au continent de tous les dangers. Le registre verbal employé : « apocalypse », « chaos », « morts atroces », associé aux images de villes dévastées, aux expéditions dignes des pires voyages au bout de l’enfer, dressent un tableau terrifiant de cette partie du monde, perpétuant cette image d’une Afrique au cœur des ténèbres.
Depuis quelques temps cependant une troisième voie se dessine, celle du commerce équitable. Aux Pays-Bas, deux agences spécialisées dans les technologies numériques et l’innovation sociale lancent FairPhone dont l’objectif est de produire des téléphones mobiles équitables. Un autre projet fait également parler de lui depuis quelques mois : c’est celui de Fairtrade Electronic. Il s’agit ici de s’appuyer sur un partage des savoir-faire et des ressources afin d’élaborer un cahier des charges de production permettant de fabriquer de l’électronique équitable ou « apaisée » (les mots sont importants) non polluante et qui intègre des salaires justes pour toute la filière, de l’extraction à la distribution. C’est une nouvelle étape, car comme le dit Morgan Segui, le porteur de ce projet : « Je ne veux pas vivre sans électronique ni sans réseaux, on va donc en produire, et je veux les mettre en place d’une manière humano-centrée ».
Oulimata Gueye
Documents et liens Pétition en ligne : http://www.change.org/petitions/ceo-of-apple-inc-make-a-conflict-free-product-that-includes-minerals-from-eastern-congo?utm_source=press&utm_content=petition&utm_campaign=en_usa_hr&utm_term=Apple-Conflict-Minerals Owni : Anonymous contre Bayer, Sony, LG, Samsung http://owni.fr/2012/05/11/anonymous-attaque-bayerd-sony-lg-samsun/ MCD n°65, « L’internet voit vert », Janv-fev 2012 Apoli Bertrand Kameni, Minerais stratégiques, PUF, 2010. http://www.puf.com/Autres_Collections:Minerais_stratégiques
Journaliste, illustratrice, critique, Lauren Beukes se fait un nom comme auteure de science-fiction en remportant le prestigieux prix Arthur C. Clarke du meilleur roman de science-fiction en 2011 avec Zoo City paru juste un an plus tôt. Comme elle le dit elle-même, Johannesburg, déjà construite dans l'imaginaire collectif comme la ville de tous les dangers aura servi le roman et c'est sa capacité à mélanger le fantastique et la réalité dans laquelle se côtoient usage des technologies et pratiques divinatoires, ségrégation et ultralibéralisme qui lui auront permis d'emporter la mise. Son succès vient directement en écho à un autre phénomène planétaire : District 9 (2009) du sud-africain Neill Blomkamp mondialisant ainsi la SF sud-africaine.
C'est à Paris en avril dernier où elle était de passage afin de promouvoir sont troisième roman que nous l'avons rencontrée. Lauren Beukes revient sur les raisons qui font de l'Afrique du Sud la figure de proue de la SF africaine. Sur la capacité des auteurs à mettre en jeu l'histoire si spécifique de ce pays, les spectres du passé et ses réminiscences.
Oulimata Gueye
Image extraite du film Pumzi de Wanuri Kahiu, 2009
(Article initialement paru le 18 septembre 2012 dans Gaite Live, le magazine de la Gaité lyrique).
Bristol, juin 2012, pour la première fois un centre d’art conçoit une exposition centrée sur les liens entre Afrique et science-fiction et tente de comprendre de quoi ces nouvelles affinités sont le nom.
En 2009, Neill Blomkamp, réalisateur d’origine sud-africaine, petit prodige de la culture digitale et « protégé » de Peter Jackson (le père de la trilogie Le Seigneur des Anneaux), choisit de revenir sur la terre de son enfance, plus précisément à Chiawelo, un des quartiers pauvres du district de Soweto (Johannesburg), pour tourner son premier long métrage. Mêlant habilement les esthétiques du reportage de guerre, du documentaire télé et de la science-fiction, il réalise le film qui, par son succès planétaire, va marquer l’entrée « officielle » de l’Afrique dans l’univers de la science-fiction : District 9.
Il faut sûrement attribuer à District 9 l’attention dont l’Afrique fait aujourd’hui l’objet auprès des cercles d’amateurs de science-fiction. Mais comme tous les phénomènes médiatiques, il a aussi eu comme effet d’occulter la diversité des formes qu’a pu prendre l’émergence de l’Afrique dans cet univers. En témoigne l’exposition « Super power: Africa in Science Fiction » concoctée par le très expérimental centre d’art Arnolfini à Bristol.
Pour les deux commissaires, Al Cameron et Nav Haq, il s’agissait « d’analyser la tendance récente chez certains artistes, basés en Europe ou en Afrique, à prendre le continent comme élément narratif et/ou esthétique d’une fiction spéculative ». L’exposition était enrichie d’une programmation de films, rencontres, débats, conférences qui ouvraient sur les formes multiples et les interprétations complexes d’un mouvement qui en réalité est bien antérieur au film de Neill Blomkamp.
Vue depuis la science-fiction, l’Afrique aurait-elle pour rôle de catalyser les zones d’incertitudes et de turbulences qui naissent entre techno-science, mythologie et imaginaire?
L’anthropologue Louis-Vincent Thomas a mis en évidence que la science-fiction, dans ses fonctions critiques et descriptives, « pourrait bien être la sociologie imaginaire de notre présent ». En effet, à l’heure où les technologies les plus sophistiquées s’élaborent dans les laboratoires des départements de la Défense, la SF semble moins dévolue à imaginer le futur qu’à documenter le réel d’une époque marquée par des mutations d’une amplitude sans précédent. Issue d’une civilisation occidentale qui voit ses idéaux d’omnipotence s’effondrer, la SF aurait-elle besoin de l’Afrique, figure de l’altérité absolue, pour stigmatiser les zones d’incertitudes et de turbulences qui naissent entre techno-science, mythologie et imaginaire?
En 2050, l’Afrique comptera près de 2 milliards d'habitants. La pauvreté et la violence potentielle qui l’accompagne n’aura pas disparu. Concentrée dans les villes et leurs périphéries devenues gigantesques et impossibles à cartographier, elle nourrit les craintes des départements de la Défense américains qui voient dans l’urbanisation du « Tiers monde » « le champ de bataille du futur ». Ainsi dans Tetra Vaal (2004), un des deux courts métrages de Neil Blomkamp présentés dans l’exposition, le robot policier qui se déploie dans le Township emprunte largement au dispositif MOUT (Military Operations on Urbanized Terrain) conçu par le Pentagone pour contrôler les guérillas et la criminalité urbaines et dont certains développements ont été testés à Sadr City, Tijuana et à São Paolo.
Et si District 9 fait référence explicite à l’histoire de l’apartheid avec l’épisode de District 6 et ses spectres, le film met aussi en jeu la puissance médiatique de la fabrique de l’information et sa tendance à construire une image de l’Afrique, irrémédiablement enfermée dans ses tragédies : apartheid, misère, criminalité, xénophobie meurtrière, brutalité policière, expérimentations militaires et biométriques.
« L'actuelle crise mondiale montre que l’Ouest arrive à un point de saturation... Aujourd’hui, l’Afrique est encore endormie, mais elle ne tardera plus à se réveiller et le monde s'en verra transformé au-delà de tout ce que l’on peut imaginer. »
Le projet post-moderne de la science-fiction pourrait aussi être celui de produire de nouvelles visibilités.
Avec ses taux de croissance positifs, ses ressources premières stratégiques, et une population majoritairement jeune, l’Afrique dispose d’atouts porteurs d’une dynamique interne qui font d’elle le continent du futur. Pour Jonathan Dotse, blogger cyberpunk ghanéen,«l’Afrique est la frontière finale. Tous les autres continents ont joué un rôle majeur dans le profilage du monde moderne, à l’exception de l’Afrique dont le potentiel économique, culturel et intellectuel reste majoritairement inexploité. » Contrairement à une idée reçue, le continent n’est pas resté à l’écart de la révolution technologique, scientifique et médiatique. A l’instar de Spoek Mathambo, Neill Blomkamp, Nnedi Okorafor, Lauren Beukes, (les noms qui émergent quand on parle de science-fiction en Afrique), Jonathan Dotse a grandi avec la télévision et les outils technologiques. Dans un article intitulé « Developing Worlds: Beyond the Frontiers of Science Fiction », témoignage sensible et Manifeste pour une science-fiction des marges, il décrit ses premiers émois devant la découverte du genre : « Imaginez un petit africain écarquillant les yeux sur les images granuleuses d’un vieux poste de télévision réglé sur un canal VHF, un enfant qui découvre pour la première fois les images et les sons d'un monde merveilleusement étrange, au-delà des limites de la ville. C'est un de mes plus anciens souvenirs; j’ai grandi au milieu des années 1990, dans un petit immeuble tranquille de Maamobi, une enclave de la banlieue de Nima, un des bidonvilles notoires d’Accra. Mis à part la Société de diffusion gérée par l’Etat, il n’y avait à l'époque que deux autres chaînes dans tout le pays et ma famille n’avait absolument pas les moyens de s’abonner à la télévision par satellite. Néanmoins, à l'occasion, toutes sortes de programmes intéressants venus du monde entier passaient par ces chaînes publiques. C’est ainsi que j'ai rencontré la science-fiction, non pas à travers les ouvrages de grands auteurs, mais à partir d'approximations distillées de leurs grandes visions. »
Et de conclure : « Que se passe-t-il quand la jeunesse du tiers-monde a accès à des technologies qui étaient pratiquement inimaginables il y a quelques années ? Qu'advient-il si cette tendance se poursuit, disons, encore cinquante ans ? Qui est censé répondre à ces questions ? Les écrivains de science-fiction, bien sûr! »
De ces « recoins oubliés de la planète » émerge un nouveau genre dans lequel le local compose avec les codes de l’ultra modernité globalisée, la magie avec la haute technologie.
Si District 9 ou Pumzi s’inscrivent résolument dans la tradition du film d’anticipation, les productions africaines de science-fiction tentent aussi de marquer leur spécificité, notamment en se réappropriant la culture du rapport au surnaturel et au savoir magique. « Zoo City » de l’écrivaine Lauren Beukes, en est l'exemple le plus médiatisé. Edité en juin 2010, ll a obtenu l’année suivante le prestigieux prix Britannique Arthur C. Clarke du meilleur roman de Science fiction.
L’auteure se sert de la spécificité de Johannesburg, vue de Hillbrow, le quartier réputé le plus dangereux de la mégalopole, pour construire une fantasy urbaine chaotique, schizophrène et hallucinée. Sans complexes se côtoient les usages des technologies numériques et du savoir mystique dans une société qui réinvente son rapport à la nature en attribuant aux criminels (plus nombreux qu’on ne le pense) un animal symbiotique conférant à son maitre un pouvoir magique.
Autre exemple : Les Saignantes, du réalisateur camerounais Jean-Pierre Bekolo (2005). Dans le film le mevungu (association secrète de femmes qui pratiquent un rite purificateur des vols et adultères) est régulièrement évoqué par une discrète voix off féminine.
Comme l’esquissent les deux commissaires de l’exposition, ne serait-ce pas l’Afrique qui serait la grande gagnante de ces emprunts à la science-fiction? Enfin libre de dessiner les contours de sa propre modernité, elle aurait trouvé dans la science-fiction, ce nouvel «espace autre» défini par Michel Foucault, une hétérotopie dont la fonction serait d’être un formidable réservoir d’imaginaire pour élaborer son futur.
Oulimata Gueye
Fatoumata Diabaté: “Sutiki, la nuit est à nous”.
Started in Bamako, Mali, in 2004, Fatoumata Diabaté birthed this project out of an idea to capture how young African women express themselves through their choices of contemporary clothing. Diabaté aims to continue this project across several cities both in Africa and around the world.
Born in 1980 in Bamako, Mali, Fatoumata Diabaté received her initial experience at the Promo Femmes audio visual training centre before joining the Photography Training Centre (Centre de formation en photographie – CFP) in Bamako between 2002 and 2004. She continued her education with a one month internship at the vocational learning centre (Centre d enseignement professionnel) in Vevey, Switzerland and has participated in numerous workshops both in Mali and abroad.
She has participated in several group exhibitions (Bamako Encounters 2005, 2009 and 2011; Kornhaus Museum of Bern in Switzerland, etc.) and had several solo exhibitions (Festival of Visages francophones de Cahors, France; the Malians of Montreuil, outside the walls of the quai Branly museum, etc.)
She has reported for World Press Photo, Oxfam, Rolex. In December 2005, she received the Africa in creation prize of the French Association for Artistic Action (AFAA) for her work entitled Tuareg, in gestures and movements. In 2011 she was awarded the Blachère Foundation prize for her work entitled The Animal in Man; the prize was an atelier in Arles and an exhibition at the Blachère Foundation. She is currently developing an art project about soutiki youth (The night is ours).
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Réalisatrice et activiste, Rama Thiaw fait partie de la nouvelle génération de réalisateurs qui a choisi de bousculer les représentations médiatiques éculées sur l'Afrique. Son terrain de représentation c'est la ville branchée sur le monde, la musique et la politique et qui développe une culture urbaine faite de toutes les spécificités locales.
Nous avons rencontré Rama Thiaw à Dakar en décembre 2013. Au cours de cette première interview, elle évoque son itinéraire, des trottoirs de Pikine, dans la banlieue de Dakar, au choix du cinéma comme outil le plus adéquat pour lutter contre les stéréotypes. Son premier documentaire "Boul Fallé" sorti en 2009, revient sur les "nouvelles figures de la réussite" qui émergent au tournant des années 2000 alors que la jeunesse sénégalaise vit encore les effets de la dévaluation du franc CFA de 1994 et les programmes d'ajustements structurels imposés par le FMI. Le pouvoir contestataire du rap américain, le retour à la lutte sénégalaise jadis interdite par les colons, l'adoption d'une détermination plus individuelle à réussir vont être les symboles les plus médiatiques de cette jeunesse qui ne veut plus en référer qu'à elle même.
Son second documentaire "The Révolution won't be televised" devrait sortir cette année. Empruntant le pas au mouvement Y'EN A MARRE qui va aboutir au départ du Président Abdoulaye Wade en mai 2012, la réalisatrice dresse le portrait des deux protagonistes du groupe de rap Keur Gui2 Kaolack, Thiat et Kilifeu, initiateurs en 2011 du mouvement d'opposition au pouvoir le plus radical et le plus médiatisé de ces dernières années.
Dans ce second interview, Rama Thiaw fait le lien entre trois générations de jeunes qui ont à chaque fois affronté et déstabilisé le pouvoir en place : celle de mai 1968 avec la figure devenue mythique de Oumar Blondin Diop, celle des années blanches des années 1990 qui donnera ses lettres de noblesse au rap et enfin la génération Y EN A MARRE qui émerge dans la foulée des printemps arabes. Elle revient également sur la place de la musique qui n'est pas seulement un divertissement mais s'inscrit dans une tradition ancienne de lien entre les différentes composantes de la société sénégalaise.
Oulimata Gueye
(Article initialement paru le 31 mai 2011 dans le magazine de la Gaité lyrique, Gaite Live).
« Coup 2 Gueule » extrait de l’album « Nos Connes Doléances ». 2008.
Dakar, février 2011. Afin de dénoncer une décennie de gouvernance ultra-libérale qui asphyxie la population, un groupe de rap, Keur Gui2 Kaolack, lance le mouvement d’opposition au pouvoir le plus radical et le plus médiatisé de ces dernières années et renoue ainsi avec l’engagement inscrit dans l’ADN du rap sénégalais. Retour sur la généalogie d’un mouvement qui marque encore l’histoire du hip-hop.
Difficile de comprendre le mouvement hip-hop au Sénégal sans revenir sur le groupe pionnier, les PBS : Positive Black Soul. Le duo – Didier Awadi & Doug E. Tee – se forme à la fin des années 1980, alors que la jeunesse va se trouver marginalisée par les mouvements de grèves dans l’enseignement supérieur qui vont paralyser le système et aboutir à la fermeture de nombreux départements universitaires et à l’invalidation des examens. Victimes du désengagement de l’État, les jeunes de la classe moyenne vont trouver dans le rap – ce nouveau courant musical directement importé des États-Unis – le moyen d’exprimer leur rage et leur frustration. En 1992, PBS émerge sur la scène sénégalaise et incarne une prise de position sociale fondée sur l‘auto-responsabilisation. En 1994, leur morceau Boul Falé (« T’occupe pas » en wolof), qui deviendra un véritable hymne du mouvement, va porter pour la première fois la critique populaire de l’institution gouvernementale et inscrire le rap sénégalais dans sa destinée politique. La digue est ouverte, ils seront des milliers à se déclarer rappeurs et porte-parole de la jeunesse engagée.
En mars 2000, 300 000 jeunes vont s’inscrire sur les listes électorales et revendiquer le Changement (« Sopi » en wolof) qui portera l’actuel Président Abdoulaye Wade au pouvoir. Entre temps, le rap sénégalais s’est émancipé du rap américain en se trouvant des racines africaines dans le tassou ou le taxourane, des formes ancestrales de scansion, des références intellectuelles dans les figures du panafricanisme que sont Cheick Anta Diop, Kwame Nkrumah et des maîtres spirituels comme Cheick Oumar Tall.
Democracy in Dakar
African Underground: Democracy in Dakar - Episode # 1 from Nomadic Wax on Vimeo.
En 2007, les Sénégalais qui avaient choisi de changer de gouvernement en espérant que celui-ci changerait la société sont déçus, le « sopi » ne leur a rien rapporté, mais de nouvelles élections se préparent. Le rap a, quant à lui, acquis ses lettres de noblesse et, contrairement au modèle américain qui a abandonné les revendications sociales au profit de la flambe, il assure plus que jamais son rôle de trublion politique. L’usage d’Internet s’est généralisé, modifiant les circuits de diffusion, les modes de production et les réseaux musicaux. La toute jeune équipe de Nomadic Wax – une société de production basée à Brooklyn,spécialisée dans le hip hop – dont la démarche procède à la fois du vidéo journalisme et de l’activisme, a trouvé au Sénégal matière à promouvoir la vocation politique de cette culture. Ben Herson, qui connaît très bien le terrain pour avoir présenté une thèse sur le Wolof à l’Université de Columbia, Magee Mclllvaine et Chris Moore, vont passer un mois à Dakar et partager le quotidien des groupes de rap avant, pendant et après les élections. Ils réalisent un documentaire destiné au départ à être diffusé sur le Web, en six épisodes : African Underground: Democracy in Dakar. Ce qu’ils vont découvrir et très bien montrer, c’est que la position des rappeurs a bien changé : eux qui avaient porté l’avènement de Wade, lui demandent aujourd’hui de quitter le pouvoir et entrent en résistance. Très vite, tout comme les journalistes et intellectuels qui ont choisi de critiquer l’inertie des gouvernants, ils vont devoir faire face à une répression, discrète mais effective : menaces d’emprisonnement ou de représailles sur la famille, tentatives de corruption ou censure dans les médias, qui va en partie les réduire au silence. La victoire de Wade au premier tour laisse un goût amer et marque le début d’une traversée du désert pour le rap sénégalais. Les stars vont chercher une reconnaissance à l’international laissant le terrain aux jeunes des banlieues pauvres de Dakar, Pikine, Guediawaye, Rebeuss, ou encore des villes totalement excentrées comme Kaolack.
Les damnés de la terre
C’est d’ailleurs de cette ville-carrefour, située à la frontière de la Gambie, écrasée par le soleil et les transactions en tous genres, que va venir le renouveau du mouvement rap. Ici, le modèle c’est le gangsta rap. C’est lui qui traduit le mieux l’ambiance chaotique et hors-la-loi de la ville. Le rappeur Rifou, début de notoriété nationale, revendique le statut de damnés de la terre : nous on est des bandits.
Mais les vrais chefs de file, c’est le duo que forment Kilifeu et Thiat sous le nom de Keur Gui2 Kaolack (« Keur Gui », la maison en wolof). Les partisans du mouvement de décentralisation / dé-dakarisation ne sont pas des nouveaux venus. Sur la place depuis la fin des années 1990, ils se revendiquent même comme étant le seul groupe de rap à avoir fait de la prison. Ils en ont gardé le goût de la lutte et de l’engagement politique. En 2008, ils sortent l’album « Nos Connes Doléances » dont le titre « Coup de gueule » marque le retour du rap dans l’arène politique nationale. (À noter que la vidéo a été réalisée par la société de production Gelongal, constituée par deux frères anciennement rappeurs.)
Dakar, février 2011 : Y’EN A MARRE
Onze années de gouvernance du Président Wade ont rendu le pays exsangue. La série des grands travaux qu’il a lancés rend encore plus criante la précarité économique dans laquelle la majorité de la population s’enlise et les Sénégalais n’en peuvent plus de vivre au rythme des délestages. Keur Gui2 Kaolack profite du rassemblement du Forum Social Mondial à Dakar pour tenir une conférence de presse qui n’a rien à voir avec la présentation de leur dernier album : il s’agit du lancement officiel du mouvement citoyen, « Y’en a marre » qui invite « lutteurs, marchands ambulants, ouvriers, étudiants, journalistes, enseignants, rappeurs et artistes à s’associer à cet élan de protestation pour exprimer leur « ras-le-bol » de vivre au rythme des coupures d’électricité ». Leur objectif : faire signer et déposer un million de plaintes auprès du gouvernement. Sur sa page Facebook, Keur Gui annonce la couleur : « L’heure n’est plus aux lamentations de salon et aux complaintes fatalistes face aux coupures d’électricité. Nous refusons le rationnement systématique imposé à nos foyers dans l’alimentation en électricité. La coupe est pleine : Y’EN A MARRE ». Le mouvement dénonce les injustices, le chômage, la corruption, mais il cherche surtout à faire participer la population et principalement les jeunes. Le 19 mars 2011, date anniversaire des élections, Y’en a marre convoque les jeunes dakarois à une manifestation-spectacle sur la place de l’Obélisque à Dakar. Les animateurs ont fait passer le message : tee-shirts noirs avec « Y’EN A MARRE » en lettres blanches distribués à la foule, slogans rythmés par le rap, utilisation du langage du peuple et du wolof. Signe de la mondialisation, la manifestation est relayée par les diasporas de Paris et de New York.
Journée du 19 mars 2011
Les jeunes de moins de 25 ans représentent plus de 60% de la population et, à un an des élections, les jeunes en âge de voter cristallisent l’attention des partis politiques. L’inscription sur les listes électorales est ouverte jusqu’au 30 juin. Le temps presse. Depuis le 15 avril, le collectif a lancé une campagne nationale « Daas Fanaanal » (se prémunir) pour les convaincre de s’inscrire sur les listes électorales et de retirer leur carte d’électeur. À cet effet, Keur Gui a l’intention de mobiliser le mouvement hip-hop – des rappeurs comme Fou malade*, Rifou, Eumzo Me Flower y participent déjà activement– mais aussi les chefs religieux qui sont de véritables leaders d’opinion. L’action du collectif devient rapidement la cible du gouvernement qui interdit les rassemblements et les conférences de presse de ses membres. Mais Keur Gui n’a pas peur, ils « circulent avec leur acte de décès » !
La révolution sénégalaise est en marche, les pages Facebook qui visent les élections et les hastag sur twitter se multiplient, les mouvements citoyens ont le vent en poupe. Gageons que cette fois, c’est le rap qui en sortira vainqueur. Car à n’en pas douter, la relève est assurée.
Oulimata Gueye
Didier Awadi – Samy Dorbez, Dégage, mars 2011
« De qui et de quoi sommes-nous les contemporains ? Et, avant tout, qu'est-ce que cela signifie, être contemporains ? »
Giorgio Agamben, Qu'est-ce que le contemporain?, Paris, Rivages, 2008.